De tout temps, la croyance a été identifiée à la religion. Elle était la manifestation de la foi: croire sans en avoir la preuve, sans tout comprendre. Et pour ne pas s’aventurer dans l’imaginaire de chacun, il y avait un clergé censé tout savoir, un livre qui contenait toutes les vérités. Le peuple, lui, devait se contenter de croire à l’un et l’autre. En dehors d’eux, il n’y avait aucune possibilité de salut.
Puis la folie s’est installée. L’autorité est devenue totalitaire. Elle a édifié ses dogmes dans le Magistère, créé sa police de la vérité avec l’Inquisition, financé son bras armé avec les Croisades. Graduellement, on a oublié les enseignements du maître et des prophètes pour nourrir un mythe qui les a bien servi.
D’autres ont cherché la vérité et la ‘’sagesse’’ dans la philosophie. En contemplant le ciel et ses planètes, ils ont déduit une cosmogonie; en développant et échangeant leurs réflexions, ils ont construit des systèmes de pensée qui couvraient toutes les sphères de la vie. On venait de partout pour apprendre et répéter les discours de certains qui faisaient autorité. On répétait leurs paroles presque aveuglément.
Tout n’était pas faux mais beaucoup des vérités d’alors découlaient de déductions et d’inductions à partir d’une observation du réel qui était parfois fragmentaire et incomplète. L’ascendant de certains était trop prégnant pour qu’on s’aventure à les contredire ou les nuancer. Leur autorité réelle ou colportée a retardé l’évolution de la recherche pour des décennies. Et la croyance qu’on avait dans leurs dires conduisait à une certaine paresse intellectuelle, on ne se posait plus de questions puisqu’un tel l’avait affirmé. Arthur Koestler a bien résumé cette attitude dans son analyse: ‘’ les Somnambules ‘’.
Puis vint le Scientisme. Tout pouvait s’expliquer par la science et sa méthode: il ne fallait se fier qu’à ce que l’on pouvait observer, mesurer, quantifier. Le reste n’existait pas ou était inutile à la recherche. Et dans cette démarche, il y avait un protocole à respecter: à partir de ce qui est déjà affirmé ( faire un relevé des recherches antérieures); élaborer une nouvelle hypothèse; et faire une expérience pour confirmer ainsi cette hypothèse ou la rejeter. À la fin, il faut absolument publier ou ‘’mourir’’
Ce cadre rigide a fini par déboucher sur un clivage qui exclut une grande part de la réalité. Bien plus, la croyance scientifique est devenue plus inflexible que le préjugé populaire qui n’a aucun statut particulier et qui n’est appuyé par aucun argumentaire ‘’acceptable’’ par les doctes. Cette attitude qui ne tient pas toujours compte de l’expérience ‘’terrain’’ et du senti qui en découle amène beaucoup d’insécurité chez les universitaires qui sont souvent réduits à une fuite en avant conduite dans l’arrogance contre tout ce qui n’est pas le sujet de leur ‘’spécialité’’ ou des débouchés encore inconnus qu’ouvrent les recherches nouvelles entre autres sur l’astrophysique et ses nouveaux télescopes, sur la physique quantique.
Enfin, outre ces douces folies que sont les égarements ci-dessus exposés et soutenus par des gens de bien, il nous faut donner un mot sur la folie souvent discréditée de la maladie mentale. Passant de la trépanation à l’électrochoc; de l’incantation à la psychanalyse; de l’asile à la médication abondante; de l’individu au couple, à son milieu etc. force est de reconnaître que les explications furent multiples et les interventions aussi.
Face à cet amalgame, il pourrait y avoir un point commun verbalisé par Claude Hesnard. Et si la folie, peu importe la forme et la gravité, douce ou sévère, ayant pignon sur rue ou honteuse et cachée, n’était qu’une maladie de la Croyance. Cette croyance qui n’est pas toujours en lien avec la réalité partagée de tous et devenant ainsi sectaire, d’où isolement.
Le Fou Du Village