Un jour, un homme me dit que s’il ne consomme pas, il tue. Un autre m’affirme sans hésiter que s’il ne se masturbe pas, il éclate. Pour certains, c’est leur ennui, leur solitude qu’ils doivent meubler par le jeu ou le divertissement compulsifs. Enfin, il y a des gens qui doivent s’étourdir lors d’une fête ou d’une sortie, parfois perdant le nord d’eux-mêmes. Et combien de révélations de ce genre ! Combien de ‘’vicieux’’ finissent par sortir de leur placard ! Ils en ont assez d’étouffer à petit feu. Leur déplaisir coupable ne leur suffit plus. Il leur en faut plus pour des résultats de plus en plus mitigés. Et leur isolation finit par les couper de tout, d’abord d’eux-mêmes.
Et ce n’est pas une vie que d’être coupable de tout, d’avoir une honte qui colle à l’âme. Autour d’eux, les victimes collatérales ne font que supporter leur croix en les endurant. Et souvent elles ne se gênent pas pour le signifier. Les ‘’vicieux’’ portent l’odieux de tous les déboires, les leurs et ceux de l’entourage. Aucune excuse pour ces suppôts de Satan. Il faut prier pour que Dieu finisse par les guérir.
De fait, comment en sont-ils arrivés là ? Il est clair qu’ils ne sont pas heureux mais pourquoi. L’approche morale par la notion de péché ne mène nulle part, coupable et victime gardant leur rôle propre. L’approche thérapeutique peut conduire à d’autres avenues mais souvent incomplètes, ce sont des maladies, des mésadaptations. L’approche d’accompagnement, plutôt humaine, peut apporter un sens profond à ces comportements, et surtout, remet à ces gens l’entière responsabilité de ce qu’Il leur arrive. Hier, aujourd’hui et demain.
En toile de fond, il y a toujours des frustrations, des tensions. Des gens ou des événements qui ébranlent leur quiétude, leur confort. En plus ou en moins. Mais cela existe pour tout le monde un moment ou l’autre. Alors, se pourrait-il qu’il y ait autre chose de plus profond, qu’ils n’ont jamais vraiment appris comment composer avec eux-mêmes dans toutes les situations de la vie ? L’évitement et le retrait dans leur propre refuge deviennent alors leur solution, comme une sorte d’adaptation temporaire. Ils ont la paix pendant un temps et parfois un certain plaisir. Ils peuvent revenir à leur quotidien après coup et, à la prochaine.
En somme, n’est pas vicieux qui veut car c’est une réelle vocation. Certaines formes d’adaptation ne mènent nulle part sinon à la destruction du ‘’vicieux’’ lui-même.
Toutefois, un comportement ‘’vicieux’’ s’est introduit dans leur mode de vie, jusqu’à la dépendance. La solution devient alors le problème. Pour en sortir, ils devront y voir clair, affronter par des voies qui ne se retourneront pas contre eux. Peut-être éviter les irritants, personnes, lieux ou événements, faire de nouveaux choix de vie, de situations qui amèneraient à se réaliser selon leur propre mission, leur propre légende. Au lieu de se maintenir dans les bas-fonds de leurs histoires et leurs ténèbres, rechercher la lumière qui éclaire et finit par libérer. Petit à petit, la spirale va pouvoir s’inverser du bas vers le haut. Ces gens vont se permettre de quitter peu à peu la seule horizontalité routinière pour visiter de plus en plus la verticalité, leur nature divine, la satisfaction de soi. Mais ce sera un combat comme la vie elle-même qu’ils devont assumer avec conscience, au jour le jour, avec ses hauts et ses bas.
Le Fou Du Village