Le Fou se demandait s’il y avait une différence entre Al, le petit voyou qui terrorisait les gens du village à certains moments, et Billy, qui s’était rendu complice d’une tuerie planétaire. Ce questionnement effleurait son esprit mais pas longtemps car il avait trop d’occupations pour s’y attarder. C’est que ces derniers temps, plusieurs parlaient souvent de psychopathie pour caractériser certains de nos leaders d’idées, de nos gouvernants. Il se disait que dans leurs actes, au-delà de leur histoire, des influences qui les avaient amené à agir en vrai tyran, il devait y avoir certains points en commun.
Il se rappelait les paroles du docteur qui affirmait que ce n’était pas tout le monde qui pouvait devenir psychopathe, et heureusement. Pour lui, la psychopathie était une ‘’vocation’’. Peu importait l’échelon qu’il occupait sur l’échelle sociale, indépendamment de ses actions et de leur envergure selon le nombre de ses ‘’victimes’’, le psychopathe était programmé pour dominer. C’était devenu sa nature.
Alors, que fallait-il comprendre pour expliquer son mode de fonctionnement ? D’abord, il fallait voir qu’il ne ressentait aucun malaise pour sa conduite et, bien plus, qu’il était capable de la justifier à tout moment. À la rigueur, il se disait que si ce n’était pas lui qui le faisait, ce seraient d’autres qui en profiteraient. D’autre part, on observait qu’à la suite de son méfait, il n’avait aucun sentiment d’inadéquacité. N’ayant aucune morale en termes de bien et de mal, à ses yeux, aucun de ses actes n’était vraiment répréhensible. Car, à la fin, absolument tout répondait et devait répondre à ce qui était conforme à ce qu’il pensait ou à ce qu’il ressentait. Enfin, s’il lui arrivait de ressentir parfois un certain inconfort, la solution ne pouvait être que dans l’agir, comme une fuite en avant. Très peu évolué au plan de l’introspection, de la compassion, de l’analyse, il était formaté pour l’action selon ses plans.
De tout cela découlait un fort sentiment de supériorité par rapport à la masse qui n’existait que pour répondre à ses besoins et qui le craignait car il pouvait être très violent envers ceux et celles qui ne comprenaient pas ou ne respectaient pas ses directives. Dans sa dynamique, l’autre n’avait pas de véritable identité. Il était plutôt ‘’chosifié’’ comme un vulgaire objet à son service. Il devenait un serf vidé de sa substance propre.
Comme dans tout système pyramidal, le petit caïd espérait monter en grade et devenir plus ‘’grand’’ dans l’organisation. Pour cela, il devait faire ses preuves et répondre aux ordres de ses maîtres. Sans oublier les rivaux en interne et en externe qui voudraient prendre sa place et le devancer. En somme, comme le Fou avait déjà entendu: ‘’ Le bandit voit des bandits partout ’’. Alors, pas beaucoup de place, de temps pour la paix et la tranquillité.
Pour conclure, on peut se demander si ce pouvoir basé sur la crainte, l’exploitation, le mensonge ouvre vraiment sur un avenir paisible. Cette lutte constante contre l’angoisse de vivre peut-il conduire ailleurs qu’à une confrontation contre tout et tous ? L’amour de soi peut mener à un amour de l’autre. Pour cela, il faut baisser les armes qui deviennent inutiles. Il faut laisser place à la confiance pour remplacer la méfiance de tout et tous. Parfois, avec l’âge, la maladie, un ‘’accident’’ imprévu, nous pouvons essayer la vie, le bonheur. Mais, le mieux serait de le faire en toute conscience, en toute volonté, en toute intention d’être.
Le Fou Du Village