Couple Humain

Trouver l’autre et l’explorer, c’est comme chercher un continent pour y habiter. On peut  aborder ce nouveau territoire avec une certaine appréhension et garder le bateau en rade pour retourner à la mère patrie en cas de doutes. Ou encore, on décide que c’est ici qu’on veut vieillir et on coule l’embarcation pour couper court à tout retour. Il faut alors avancer coûte que coûte et tout prendre de l’aventure.

En tant que foetus, futur humain, je suis venu de l’inconnu, au beau milieu de nulle part, totalement impuissant. La chute ayant été brutale, je suis complètement perdu, en état de choc. Et si je peux survivre, je dois être accueilli par quelqu’un qui est fiable, qui me démontre que je suis important. Ainsi, petit à petit, j’apprends ma valeur personnelle. Je sens, j’entends, je vois, je goûte, je touche et voilà qu’un monde apparaît. Je me traîne, je marche, je cours et ce monde s’étend de plus en plus. En même temps, ce réel me coupe de mon autre nature, celle d’avant la naissance.

Et mon apprentissage ne fait que commencer pour se poursuivre sur d’autres régistres. L’intelligence se raffine et me donne accès à l’abstraction. Puis, le corps a des besoins nouveaux  que la raison ignore, qui me bouleversent et me font parfois perdre pied. Les autres se multiplient pour dépasser les limites de mon premier milieu. Et ils ont des règles, des attentes que je dois respecter pour me faire accepter d’eux. Et défendu d’être différent.

Dans ce tumulte perpétuel, il est heureux que mon identité émerge. Ma personnalité qui en découle va sûrement attirer d’autres personnes. Pas besoin d’une course  à l’extérieur de soi. Et contre toute attente, moins je cherche, plus je trouve. Il suffit d’être attentif à ce qui tourne autour de moi, en moi.

Dans tous ces échanges, ces possibles, la difficulté est de choisir une personne.  Et le choix doit être partagé. Selon nos intentions mutuelles, après un temps d’inertie, tout va dépendre de nos motivations, de nos directions respectives. Et pour consolider cette démarche il faut accepter une part d’inconnu. La décision est prise mais le travail commence.

Enfin, le défi est de durer. Là encore, rien n’est vraiment gagné. Car l’amour ne suffit pas. Le couple doit être nourri.  L’art d’être heureux ensemble est un défi continuel.

Comme on le constate, on est bien loin du simple accouplement. Bien plus, ce n’est que la préparation avant de se lancer dans l’aventure de la conquête de l’autre mais surtout de soi. 

Dans cette grande saga de l’humain à la recherche de lui-même, il y a encore des moments à affronter pour assurer sa durée. L’équipage est prête, le continent est reconnu, alors il faut passer à l’autre étape.

Au début, la lune est de miel.  Pour un temps plus ou moins long. En présence de l’autre, tout est festif, agréable, un véritable éclatement. Question d’oublier le passé. Nos énergies  respectives ‘’renouvelées’’ sont en harmonie, comme en fusion.

Puis, des nuages s’invitent et voilent cette belle lumière. Des différences plus ou moins subtiles ou carrément énormes viennent troubler ce bonheur.   Pour se respecter mutuellement, il va falloir en parler franchement et négocier  ce qui se doit de changer de part et d’autre pour poursuivre le voyage à la satisfaction des deux.                                  

Pour durer plus longtemps, il va falloir élaborer un projet commun. Quelque chose qui nous occupe tous les deux et nous permet de nous dépasser. Dans la tradition,  l’enfant était envisagé pour sceller notre amour. Et, contre toute attente, c’est lui qui allait  former ses parents quand, eux, s’ingéniaient à l’éduquer. Après l’étape des enfants, chacun revient inévitablement  à soi-même et le couple doit se réinventer afin de se retrouver et garder son amour vivant. 

( Hommage à ma femme depuis 47 ans )  

Le Fou Du Village