Dans une prière connue de plusieurs et s’adressant à notre Père, il est dit: ‘’Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien’’. Dans une telle supplique, il nous faut reconnaître que le don est un cadeau qui nous est offert par le Créateur. Et il l’est aujourd’hui, c’est-à-dire le jour même, maintenant. Et ce, de façon quotidienne, à tous les jours. Enfin, ce qui nous est offert ainsi, c’est le pain qui est à la fois symbole de nourriture terrestre essentielle, de même que nourriture spirituelle. Aliment sacré comme le Pain de vie. À l’occasion, il sera le rappel de la privation et de ses tourments. Pour tout cela, le pain aura toujours la primauté sur les autres aliments. Celui pour lequel on aura un profond respect. ‘’ C’est du pain ! ‘’. Et si l’on ajoutait à l’invocation les notions de pain du corps, de l’âme et de l’esprit.
Il faut alors reconnaître qu’ assimiler, c’est recevoir un corps étranger, l’accueillir, l’intégrer, le faire sien et rejeter ce qui est inutile. En cas extrême, il faut le vomir. La protection de notre corps est alors assurée par deux systèmes complets mais en liens étroits: la digestion et l’immunité. Par le premier, le corps nourrit la vie en lui, accueillant tous les nutriments essentiels. Mais, si ce corps étranger n’est pas reconnu comme pouvant être utile à notre continuité, qu’il est même un danger, le système immunitaire se chargera de l’intru et préservera ainsi notre intégrité. En cela, il est la base biologique de notre identité.
Ceci dit, au niveau de l’âme, le même phénomène est observé et se produit quand nous sommes confrontés à des émotions ‘’nouvelles’’ , des désirs susceptibles de nous ébranler. Notre psyché cherche à se protéger et à rejeter ces assauts.
Cela est aussi le cas quand nous sommes en présence de systèmes de valeurs, de croyances, de cultures qui ne cadrent pas avec notre conception du monde, de nous-mêmes, des autres. Notre esprit cherche à se protéger.
Bien sûr, dans ces multiples situations, il y a toujours une possibilité de changement. Mais si nous voulons préserver notre équilibre, il faut du temps pour expérimenter les nouveaux modèles de vie. Sinon nous assisterons à un véritable ethnocide, une véritable destruction de notre paysage intérieur. Une sorte de colonisation de l’âme et de l’esprit.
Pour le corps, l’âme et l’esprit, tout n’est pas bon à ingérer. Ceci dit, on ne peut éviter d’être en contact avec les corps étrangers pour maintenir la vie de nous-mêmes et de tous. Tout est une question de dosage, de respect. Il nous faut éviter de devenir boulimique d’idées et de désirs en sachant que ce que je ne connais pas ne me manque pas. Aussi, quand les malbouffes du corps, de l’âme et de l’esprit ont préséance, le combat peut être ardu et en sourdine. Nos propres assises sont alors attaquées et nos existences peuvent être en jeu.
Devant de tels défis, il serait de mise de prendre régulièrement des temps d’arrêt, des moments de gratitude, de remerciements, mais aussi de partages avec les autres. Pour le corps, pensant à tout ce trajet du champ à la table, ayons une reconnaissance pour tous les intermédiaires: Terre Mère, paysans, distributeurs, cuisiniers. De même pour notre Psyché et notre Logos, il nous faut voir leurs parcours, leurs cheminements. La prière nous offre alors une occasion de nous voir en interactions constantes avec un tout connecté et unifié. ‘’ Nous ne sommes pas seuls ‘’.
Le Fou Du Village