Territoires De Survivance

Chez les amérindiens, il y avait des espaces de ‘’survivance’’ réservés pour un clan et ce, de père en fils. Les limites en étaient reconnues et acceptées de tous. Une rivière, un lac, une montagne servaient de balises. En cas d’une catastrophe, il y avait possibilité d’entente pour un groupe de chasser ou pêcher un temps dans le territoire voisin, après une discussion et en avoir reçu l’autorisation. Il est vrai qu’à l’époque, la forêt était luxuriante et  le gibier abondant. On raconte que devant un cheptel d’orignaux, le chasseur pouvait choisir lequel il pouvait cueillir selon ses besoins. Bien sûr, il remerciait la victime en lui expliquant pourquoi il en avait eu besoin pour sa nourriture, ses vêtements, ses ‘’médecines’’. Et c’était le même rituel pour les végétaux et les minéraux. S’il prenait quelque chose à la Terre Mère, il lui offrait quelque chose d’autre en retour : c’était donnant donnant. 

D’une vie semi-nomade et communautaire, où tous et toutes avaient leur rôle à jouer et leur  utilité,  les étrangers les ont amenés à une vie sédentaire et dans des endroits restreints ou ‘’ réserves’’. Ils en sont venus à chasser non pas pour leur survivance et la protection de leur ‘’maison’’ mais pour les richesses de la fourrure où le plus performant des chasseurs avait tous les égards. Dans ce jeu, l’amérindien était exploité en ne recevant pas la valeur réelle de ses prises mais aussi par le crédit qu’il en recevait pour l’achat de ce qu’il avait besoin pour vivre: nourriture, vêtements, pièges, etc. tous ‘’vendus’’ par la même compagnie qui achetait leur fourrure. 

Des forestières ont suivi et les engagèrent parmi les bûcherons pour faire de véritables ‘’déserts’’ dans des coupes à blanc (des coupes de ‘’blancs’’) guidés par le profit. Elles ont ainsi contribué à saccager leur territoire extérieur. Dans la même lignée, des minières ont exploité le sous-sol pour en extraire toutes sortes de métaux à leur propre avantage.

En même temps que ces exploiteurs, sont arrivés les missionnaires qui venaient pour sauver leurs âmes. Au début, l’amérindien était réputé ne pas avoir d’âme. Alors, on pouvait le tuer comme un animal ou en faire un esclave pour les bien nantis. Et comme on n’arrivait pas à ‘’dompter’’ les adultes comme on le voulait, les étrangers  s’en sont  pris à leurs enfants via les pensionnats qui devaient les instruire et favoriser leur développement. De fait, ce fut un véritable carnage,  des violences,   des abus physiques et autres. À la fin,  on avait réussi à saboter leur territoire intérieur.

À la fin de cet ethnocide et parfois d’un véritable génocide selon les régions, il ne reste plus rien du ‘’ bon sauvage ‘’ comme le disait Jean-Jacques Rousseau. Les limites des territoires n’existent plus et les ententes ne sont plus respectées quand les forestières ont fait de véritables déserts après leurs passages. Les gibiers et les hommes ne s’y reconnaissent plus. Plusieurs préfèrent acheter un poisson plutôt que d’aller pêcher à la rivière. Il y a pire quand des aînés se font évacuer de leur territoire familial sous prétexte que la machinerie doit passer sur leur tente et qu’ils doivent évacuer avec tout leur bagage sur le champ. 

Et comme le disait un leader spirituel; ‘’ Alors que le mythe circulait partout dans les salons à la mode, de ce côté-ci de l’océan, on s’ingéniait à nous détruire par tous les moyens ‘’. Mais le mythe existe encore de nos jours…pour les touristes.  La réalité est tout autre.

Le Fou Du Village