Selon une histoire qui circule dans les mémoires de mon village, on raconte qu’il y avait un jour et une nuit un feu qui s’approchait dangereusement tout près des maisons. Tout l’entourage était sur le qui vive. On cherchait désespérément à le circonscrire pour mieux en limiter les dégâts. Le feu, quant à lui, voulait à tout prix garder le contrôle de la situation et poursuivre sa course. On pouvait même dire qu’il avait le vent dans les voiles.
Selon les dires des plus vieux, tout était alors mobilisé dans cette lutte épique, pour cette tâche de premier plan. Les animaux, quant à eux, fuyaient, abandonnant nids, abris et nourritures derrière eux. Des secours furent même organisés pour évacuer les personnes les plus vulnérables. De partout, on disait qu’il va falloir reconstruire après le sinistre.
Puis, on entendit comme un grognement près d’un point d’eau. Et juste à côté, le fou du village qui était occupé à récupérer un fond de gamelle . Il partait et revenait dans un même manège, se dirigeant au plus près du feu pour y déverser son chargement. Quelqu’un alors lui demanda ce qu’il faisait. A bout de souffle, il répondit qu’il éteignait le feu. Éberlués, plusieurs allèrent cueillir leurs arrosoirs pour participer à la tâche. Espérant que le feu, s’il se dirigeait encore vers eux, serait ralenti dans sa course et, au mieux, serait vaincu.
C’est ainsi que, lors d’un danger quelconque, le plus petit effort peut faire une grande différence surtout s’il se conjugue avec d’autres petits efforts, humbles, silencieux, dans le sens de la vie. Et même si l’acte de volonté peut sembler ridicule.
Par une grâce particulière et sans en connaître l’origine réelle, maître le feu a plié l‘échine et les villageois en furent quittes pour une grande frayeur. Bien sûr, selon les conteurs, et les ajouts de chacun, tous se reconnaissaient comme les sauveurs du village. Seul dans son coin et s’affairant à sa routine, le fou du village était déjà ailleurs.
(Inspiration et Hommage à Pierre Rabhi)
Le Fou Du Village