Qu’arrive-t-il à Bozon ? Il ne se reconnaît plus. La lumière qui l’enveloppe est d’une clarté inconnue de lui à ce jour, mais sans l’éblouir. La lumière et lui font un. S’il ferme les yeux, elle est toujours là, mais comme au loin. Elle semble l’appeler sans toutefois l’accueillir. S’il s’en approche, elle n’est déjà plus là, comme si elle se refermait pour s’étirer au loin. L’heure n’est pas encore venue d’une rencontre et Bozon le savait. Il s’amusait alors comme un enfant qui joue à la ‘’cachette’’.
Puis désireux d’en savoir plus, d’en connaître un peu plus de ce lieu de mystère, il regarde ce qui lui semble ‘’arrière’’ et aperçoit comme un boule bleue qui ne lui est pas totalement inconnue. Il tente de s’en approcher au plus près pour réaliser qu’il y avait beaucoup d’eau et peu d’espace pour ‘’poser pieds’’. Il lui semblait être venu de là mais sans un appel pour y revenir. Aucune nostalgie. Surtout qu’il n’y avait plus cette belle lumière nourricière.
Poursuivant son exploration, il finit par ressentir ce qui lui semblaient être certains frissons, des mouvements de l’extérieur et de l’intérieur, au loin et au près, ni froids ni chauds. Il y prenait goût car c’était comme si une nouvelle vie s’invitait à lui. D’autant plus que ces mouvements semblaient s’appocher de lui délibérément, comme s’ils voulaient qu’il réagisse, comme s’ils voulaient communiquer. Une de ces ondes était plus insistante que les autres, c’est tout.
Poursuivant son voyage, il lui semblait que cette lumière grouillait de vie, qu’elle accueillait plusieurs frissons, pas tous agréables ou carrément hostiles. Mais, il réalisait aussi qu’il pouvait choisir ce qui lui convenait ou non. Dans ce magma de tous les possibles qui pouvait couvrir bien des situations convenant à certains arrivants, Bozon n’avait plus à subir les influences indues et extérieures, les sarcasmes, les commandements. Il était juste lui-même et s’en contentait, se sentant protégé et aimé de tout temps, pour un éternel présent.
Puis, sans être de même apparence qu’il avait connue, il crut reconnaître Harry le sauvage, l’indomptable qui lui laissait un message de plus en plus clair. Il l’invitait dans ‘’son’’ ciel pour un weekend de deux à trois siècles. Ils pêcheraient des poissons éthériques, piégeraient du gibier translucide et, surtout, se nourriraient de l’air nourricier tout en contemplant des cieux colorés d’où émaneraient des vibrations de plénitude.
Puis, il y a eu une catastrophe, une pluie froide qui a frappé le visage de Bozon, le réveilla et le précipita d’un coup dans le réel. Finie la lumière englobante, les frissons vivants ne lui parlaient plus, Harry était maintenant seul dans son paradis. Remis de son choc, cette eau du ciel a quand même fait son œuvre. Bozon ne fut plus jamais à l’identique. Il était toujours le fou du village mais, à l’intérieur, il n’était plus insignifiant. Ayant repris contact avec un monde différent, sachant que ce monde est le sien, celui dans lequel il est bien, d’où il vient, il constate maintenant que le ‘’Fou du village’’ est un rôle assigné, le sien, pour lui-même et les autres. Avant, il le jouait souvent sans comprendre, avec désagréments. Maintenant, il y trouve un sens, une nouvelle lumière se voit dans son regard.
Le Fou Du Village