Pour l’ensemble, le deuil est essentiellement synonyme de douleur, d’affliction, suite à la rupture d’un attachement: personne, lieu, objet etc. Traditionnellement, il y avait des signes extérieurs pour exprimer ces expériences, ces sentiments. Dans le cas d’une mort, les survivants portaient alors des vêtements très sobres, de couleur noire ou blanche selon la culture. On parlait même d’un ‘’grand deuil’’ quand la veuve portait le deuil pour un an. Cet usage situait les gens, les contacts avec la mort et ceux et celles qui la subissent dans ses conséquences. Il y a des situations connexes et parallèles qui sont traduites pour la résignation face au choc qui résulte d’une rupture amoureuse, d’un congédiement, d’une faillite etc. On dit alors qu’il faut ‘’faire son deuil’’, se résigner à être privé.
Parfois, il y a un réel deuil pathologique. Comme pour cette dame qui a littéralement érigé dans sa maison un sanctuaire au défunt. Après cinq ans, il est toujours vivant, encore plus que les occupants. En entrant dans la maison, vous voyez une immense affiche du disparu avec deux cierges en permanence au-dessous et des fleurs tout autour. Vous êtes alors invité à passer au salon qui n’en est plus un. L’urne est au milieu de la pièce sur une table avec plein de lampions tout autour. Sur les murs, il y a de nombreuses photos du défunt et des objets lui ayant appartenu. Pour compléter le tableau, toute la famille, veuve et enfants, devait vivre une prière et un recueillement obligatoires tous les soirs. Inutile de vous dire que l’atmosphère était suffocante et n’appelait pas à la vie.
Le travail du deuil ‘’courant’’ a été très bien décrit par Élisabeth Kübler-Ross. Après le choc du départ, il y a cinq étapes qui se succèdent différemment selon les personnes: le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. Le processus complet peut prendre en moyenne un an selon les dates significatives: anniversaires de naissance, de mariage, ou tout autre événement significatif pour le survivant, les fêtes etc. Mais il peut se prolonger à la suite d’une mort par suicide en tenant compte des émotions exarcerbées de honte, culpabilité, colère etc. Le deuil peut prendre alors trois ans et parfois plus.
Ces étapes cliniques ne sont pas nécessaires, ni obligatoires. À tout le moins, elles ne sont pas vécues avec la même intensité. Tout dépend du degré d’attachement et surtout de dépendance vis-à-vis du disparu. À cela, il faut ajouter la facilité ou la lutte que le survivant met à se reconstruire. Selon certains écrits, le deuil prolongé empêcherait le ‘’mort’’ de faire son cheminement après-vie. Ce serait une façon de le tenir prisonnier. Comme pour d’autres circonstances de la vie, il faut vivre ce qui se présente et prendre le temps de bien le faire. On peut même garder de réels et bons souvenirs mais ne pas tenter de reproduire ce qui n’existe plus et s’y attacher au détriment du présent.
Enfin, il faut reconnaître que le deuil réfère à la conscience d’un niveau trois, celui de la matérialité: attachement, absence, manque, renaissance. Au niveau deux, il y a peu de conscience de soi, des autres, alors le deuil n’existe pas ou très peu. C’est le vécu d’un brin d’herbe, d’un animal primaire. Parmi les animaux plus évolués, nos ‘’amis’’, l’attachement d’amitié fait la différence. Aux niveaux supérieurs où la mort n’existe pas, l’esprit étant immortel, il n’y a que la vie qui va se renouveler.
Le Fou Du Village