Le conquérant est d’abord un guerrier. Il vit un challenge incertain dans son désir de s’approprier un nouveau territoire ou de sauvegarder le sien. En ce sens, son champ de bataille peut être vivant, changeant et souvent imprévisible. Et pire, sa guerre peut être silencieuse contre un ennemi invisible, comme dans une lutte spirituelle.
Dans tous les cas, le combat est d’abord contre lui-même car s’il veut trouver la victoire il doit tester ses aptitudes sur le terrain. A-t-il une bonne lecture des événements, a-t-il les bonnes stratégies pour contrer l’adversaire, a-t-il le matériel nécessaire pour l’affrontement, a-t-il à ses côtés des collaborateurs fiables et fidèles ? A-t-il le caractère qu’il faut pour résister aux influences indues de la propagande ou des louanges ? Il doit viser la réussite sans risques ni pertes inutiles. Pour le guerrier, il n’y a pas de repos avant que le triomphe ne lui soit acquis. Pour toutes ces raisons, n’est pas conquérant qui veut.
Alors qu’au début tout lui semblait facile, dans l’épreuve de l’initiation il y a de nombreux essais et ajustements. Il y a des dangers que le conquérant doit affronter seul. La peine, les malheurs, les souffrances forgent le chef. Voilà pourquoi il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. La plus grande épreuve à affronter et celle qui apporte le plus d’abandons n’est pas très loin d’où il est. Le champ d’opérations n’a pas un mètre et pourtant il y a plein de pièges. Et pour certains, la bataille n’est jamais gagnée, en tout cas définitivement. Il s’agit d’aller de la tête au cœur et du cœur à la tête. Quand penser et quand aimer ou ressentir ? Et vous savez, heureusement qu’ on a toute la vie pour apprendre à vivre.
Dans ce combat de titan, il y a des étapes. Il faut d’abord vaincre tout ce qui peut nous empêcher de naître et de maturer: vivre ou être avorté; être accueilli ou être abusé; être accompagné ou être saccagé dans un commerce morbide etc. Ensuite, viennent les étapes des apprentissages: s’incarner réellement dans un corps en évolution; se mouler à un environnement socio-familial; prendre sa place dans le trafic de la vie et réussir. Dans ce premier temps, tout est projeté à l’extérieur de soi: on se définit dans le regard des autres.
Puis, certains iront plus loin en tâchant de se voir de l’intérieur, dans leur unicité. Cette épreuve comporte des difficultés encore plus grandes. Qui suis-je réellement? Que fais-je sur cette terre et quelle était ma mission? Les références extérieures ne peuvent plus nous être utiles sinon qu’en passant à notre filtre intérieur. Et c’est ce travail d’intégration qui va nous permettre ou non une certaine satisfaction, de vouloir poursuivre notre destinée.
Enfin, au crépuscule de la vie, que va-t-il me rester pour faire face à ma dernière étape de croissance? OU, il me restera comme seul projet d’attendre la mort et de la souhaiter. Dans ce cas, certaines drogues, plusieurs activités de remplissage, une vie plus sécuritaire dans des centres spécialisés pourraient m’aider à contrer ma détresse et à occuper ce vide. OU Une sérénité, un calme intérieur qui est plus que satisfaisant. Même si pour plusieurs ma vie n’a plus guère d’éclats, et paraît d’une platitude insupportable. Alors, comment vieillir en devenant de plus en plus invisible? Et si je restais debout jusqu’à mon dernier souffle à préparer mon retour dans notre Maison. Je pourrais voir alors les liens ou les ‘’cordes’’ qui unissaient dans un tout: ma naissance, ma vie, ma vieillesse et mon départ.
Le fou du village