Exprimée de façon simple, la mort est la cessation de la vie comme l’adolescence est la période de passage entre l’enfance et l’âge adulte. Ce processus naturel se fait selon des étapes immuables orchestrées par des lois tout aussi permanentes. Le corps étant un tout organisé, ses différents éléments sont harmonisés à l’ensemble et s’inscrivent dans une alternance entre morts et renaissances . De fait, dans la mort, l’intelligence humaine n’a plus conscience de son corps, de ses perceptions, de l’univers qui l’entoure.
La mort est l’état originel de tout ce qui existe. Les ténèbres ont précédé la lumière. Et la vie est l’ensemble des phénomènes qui s’opposent à la mort. Ainsi, le corps est tributaire de la vie et non l’inverse. La mort, elle, est un processus, une évolution, un changement. Et le retour à la vie n’est possible que si le principe de vie est toujours là, l’âme. En ce sens, le vieillissement et la mort ne sont pas des maladies à vaincre mais des états naturels.
Si nous interrogeons l’instant physique de la mort, force est de reconnaître que ce n’est rien que d’être mort, le tout étant de mourir. Qui plus est, la mort n’est pas une donnée de l’intelligence mais un problème de l’instinct. Elle emporte le vivant sans même qu’il s’en soit aperçu, étant subtile et dont l’emprise est insensible. De plus, selon la sagesse populaire, il n’y a que cela qui soit juste puisque tout le monde vivant va y passer.
Par ailleurs, l’enfant a moins peur de la mort que l’adulte et ce dernier que le vieillard. C’est la civilisation qui a introduit la notion d’effroi avec celle de l’intelligence alors que la mort des instincts se fait avec simplicité. De plus, l’Occident a désappris l’acte de résignation. Alors que la mort n’a ni réalité, ni visage, ni essence, ni individualité, elle n’est plus qu’une allégorie. Ce sont les humains qui ont enlaidi la mort en l’imaginant à travers l’ignorance de ce qu’elle est réellement et de sa crainte entretenue. La mort devrait être un acte secret et non spectaculaire. ‘’ Les oiseaux se cachent pour mourir’’.
Il y a confusion entre mort, souffrance et agonie. La souffrance est l’apanage de la vie. On souffrirait plus longtemps pour guérir que pour mourir. L’agonie, elle, serait synonyme de ‘’combat’’. Il s’agirait plutôt d’un affaiblissement des facultés sensorielles selon certaines étapes: toucher, vue, goût, odorat. L’ouïe persiste pour identifier tous les bruits et paroles. D’ordinaire, l’ensemble est agréable, plutôt moelleux. Puis vient une sensation de froid: pieds, mollets, genoux. À la fin, nous notons un bruit amplifié appelé râle et l’inconscience.
La mort arrive sans qu’on s’en aperçoive, il y a une anesthésie et une perte de sensibilité. En somme, la mort est un anéantissement physique dans un état euphorique et doux. Le sang se charge d’acide carbonique dont il se débarrasse incomplètement. S’en suit une asphyxie lente, insensible, dont l’action est comme celle d’un narcotique. C’est par le cerveau que le mourant sombre dans l’inconscience.
L’horreur de la mort se présente avant la mort: peur de la suffocation, de l’étouffement, de la douleur. À l’approche de la mort, les rébellions s’affaiblissent pour devenir un consentement: ‘’Je crois bien que je vais mourir ! ‘’. Plus nous redoutons la mort, plus elle devient telle, se nourrissant de nos craintes. À la fin, la mort est une affaire où l’on a plus de peur que de mal. Épuisement et anesthésie nous mènent à la fin. ‘’ Ce n’est pas l’homme qui sort de la vie mais la vie qui sort de son corps. ‘’
Dans le suicide, la situation n’est pas la même, comme pour ceux et celles qui n’ont pas la conscience en paix dans ce moment de vérité. En principe, il n’y aurait pas de mort douce. Si nous considérons la bulle suicidaire qui éclate au moment du passage à l’acte, nous observons souvent angoisse et regret…en attendant la mort. Considérant l’ensemble de sa vie, les gens qui seront affectés par son acte, l’abandon de tout projet déjà envisagé, le suicidant entrevoit une réalité plutôt sombre : ‘’J’ai quitté une souffrance pour une torture encore plus grande.‘’ Et, pour les croyants, sans aucun jugement pour le suicidé, il est clair qu’il s’est arrogé un droit qui appartient au seul Créateur en s’y substituant.
( Hommage à Georges Barbarin )
Le fou du village